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Le surf, un sport (presque) écolo

mardi 28 janvier 2014


Le paradoxe du surfeur, cet amoureux inconditionnel de l’océan, est que sa passion contribue à saccager son terrain de jeu.
A l’heure des températures glaciales et de la houle qui grossit, la combinaison d’hiver, la cagoule, les gants, les chaussons sont de mise sous nos latitudes... Les plus courageux, balayant d’un revers de main les inconvénients de cet attirail bien inconfortable, iront se frotter aux vagues pêchues et rapides. Quant aux frileux ou aux petits niveaux – heureux propriétaires de planches taille paquebot pour qui le canard (1) n’est encore rien d’autre qu’un gibier à bec plat –, ils préféreront s’adonner aux joies des sports d’hiver et à leur lot de pentes neigeuses et de raclettes-au-coin-du-feu-génépi en attendant des conditions plus clémentes.
Un spot de péninsule de Nicoya, au Costa Rica, un matin de décembre... © TW
Un spot de péninsule de Nicoya, au Costa Rica, un matin de décembre... © TW
Et puis il y a les “morts de faim”, ceux qui, refusant de se résigner, iront chercher un coin de paradis préservé autant que possible des méfaits de la civilisation, baigné de soleil, de vagues parfaites et d'une eau proche des 28 ºC. On l’aura compris : pour pouvoir surfer en maillot de bain en plein hiver, il leur faudra partir à l’autre bout du monde. Destination très en vogue : le Costa Rica, pays qui tire une grande fierté de son écosystème et de ses efforts pour le préserver. Le voyage en vaut la chandelle : des conditions de rêve, un climat tropical, des vagues sympathiques, la vie rythmée par la marée...


En revanche, quand il s’agit de se pencher sur le coût écologique de ce voyage, il y a de quoi doucher rapido-presto l’enthousiasme. Pour arriver à bon port, il aura fallu prendre un avion (Paris-San José aller-retour : 17 838 km, soit 3 610 kg équivalent carbone, kg eqC), un bus (73 kg eqC) et un ferry (environ 2 kg eqC). Et, parce que le surfeur est toujours en quête d'une nouvelle vague à chevaucher, vierge de toute présence humaine, ce secret spot (“coin secret”, dans le jargon) dont il taira jalousement l’emplacement, la location d’un 4×4 se révèle vite indispensable. Prix de la balade : 90 g eqC pour quelques heures passées sur les routes à faire concurrence à Indiana Jones. Soit, pour tous les postes additionnés, 2,09 fois environ ce que la terre peut supporter par personne et par an pour stopper l’accroissement de l’effet de serre (ces calculs, approximatifs, ont été faits sur le site internet d’Action carbone, mais d'autres outils sont disponibles).
Et ce n’est pas tout. Quand il s’agit de passer au crible le contenu de la valise, le résultat n’est pas beaucoup plus reluisant.
La planche. Composition de la board (2) : pour faire simple, un pain de mousse en polyuréthane coulé dans de la résine, sur laquelle on colle de la fibre de verre. Des matériaux extrêmement polluants et dangereux. Selon Pierre Pommiers, le PDG deNotox – entreprise basque fabricant des planches de surf écoresponsables et socialement éthiques tout en veillant aux caractéristiques techniques et à la performance –, les matériaux utilisés parcourent la moitié de la planète avant d’arriver à leur lieu de production. Autant dire que, dès cette étape, l’empreinte carbone en prend un sacré coup. Toujours selon M. Pommiers, une planche de 3 kg génère environ 6 kg de déchets à 100 % non recyclés, tandis que les conséquences pour l’environnement, pour le shaper (3) en particulier, des particules fines hautement toxiques qui s’échappent lors de la fabrication n’ont rien à envier à l’impact sanitaire de l’amiante. Et c’est compter sans l’évaporation de litres de solvants chimiques de type acétone, dont la nocivité n’est plus à prouver.
Poncer une planche de surf dégage des fines particules dont il faut se protéger.
Poncer une planche de surf dégage des fines particules dont il faut se protéger.
Notox tente de remédier à ces problèmes de plusieurs manières : – faire don des chutes des pains de mousse en PSE, ou polystyrène expansé, à une société qui en fera sa matière première. Taux de recyclabilité : 100 % ; – utiliser, à la place de la fibre de verre, de la fibre de lin. Avec des propriétés similaires, le lin, dont la culture rotative n’épuise pas les sols, est plus léger et nécessite pour sa production moins d’énergie et très peu d’engrais ; – remplacer l’acétone par des produits moins toxiques.
L'entreprise basque n'est pas la seule à chercher des solutions de rechange. ChezKun_tiki, on est carrément revenu à l’ère pré-1960, à savoir la planche en bois de balsa de fabrication artisanale. L’entreprise reconnaît toutefois qu’elle utilise toujours la fibre de verre, mais en quantité réduite.
Pour aller plus loin, Ecosurfshop, un site internet allemand, propose tous les accessoires en version écolo : des dérives en bambou aux tongs écoresponsables, éthiques et 100 % recyclables, en passant par le leash (4) en matière recyclée.
Le néoprène. Cette matière, reine des combinaisons qui permettent au surfeur de rester au chaud (oui, même au Costa Rica dans une eau à 28 °C, les quelques heures passées à guetter la vague par un vent à écorner les bœufs peuvent justifier de revêtir un top en néoprène), est non seulement un pur produit dérivé du pétrole, mais a également la fâcheuse propriété, de par ses caractéristiques physiques définitives, d’être à 100 % non recyclable.
Si des compagnies telles qu’Ariaprene, pour avoir trouvé une alternative au néoprène, n’ont pas encore prévu d’inclure la combinaison de surf dans le champ d’application de leur produit, Yulex et la célèbre marque californienne Patagonia ontannoncé en décembre la mise sur le marché du fruit de leur partenariat : une combinaison qui ne comporte que 40 % de néoprène, les 60 % restants étant faits de Yulex®, un caoutchouc fabriqué à partir de guayule, plante très peu gourmande en eau, qui ne requiert aucun pesticide et dont le latex renouvelable est exempt de substances allergènes.
Yulex-PatagoniaLes deux entreprises jurent qu’elles ont veillé à ce que leur produit commun reste tout aussi performant que son pendant en pur néoprène. Un léger hic, cependant : cette merveille d’innovation n’a été fabriquée qu’en version homme – on remarquera que la surfeuse ne semble pas souvent attirer l’attention de l’industrie du surf, si ce n’est pour vanter un bikini qui servira de nourriture aux tortues au premier wipe-out(5). Quand bien même auriez-vous la chance d’être un homme, ce n’est pas pour autant qu’il vous sera possible de vous la procurer en trois clics, le modèle étant déjà épuisé sur le site français de Patagonia. Il ne reste plus qu’à espérer que le succès rencontré par la combinaison encouragera les deux firmes à poursuivre leur effort de collaboration… et que les modèles féminins feront bientôt leur apparition.
La wax. Ce produit – accroche indispensable pour ne pas que la planche se transforme en savonnette – aura sans doute été la cible privilégiée des entreprises pratiquant le greenwashing de façon consciente ou non, ce procédé marketing qu’elles utilisent pour se donner une image écoresponsable et ainsi doper leurs ventes. Pour pouvoir s’y retrouver, il faudrait au minimum qu’il soit fait mention de la composition sur l’emballage, ce qui n’est pas le cas. Depuis plusieurs années, des wax supposées plus vertueuses – écologiquement, s’entend – les unes que les autres ont inondé le marché, certaines semblant pourtant n’avoir de bio que l’emballage. En effet, beaucoup d’entre elles sont composées de produits issus de la pétrochimie, au premier rang desquels la paraffine, qu'on obtient à partir de pétrole brut et dont le transport et le raffinage ne sont pas à proprement parler ecofriendly. Une substance de remplacement semble se dégager : le soja, souvent présenté comme la solution miracle.
Pour éviter de glisser sur sa planche, le surfeur doit appliquer de la wax. Tout un processus qui a ses codes.
Pour éviter de glisser sur sa planche, le surfeur doit appliquer de la wax. Et chacun a ses marques de prédilection.
Pourtant, pour la marque Mr Zog's, qui commercialise la populaire Sex Wax, c’estmatch nul entre la paraffine et le soja, le premier étant un dérivé direct du pétrole brut, le second étant présenté comme un OGM engendrant pour sa culture et son extraction une consommation d’énergie pétrochimique. D’ailleurs, à la question “La wax est-elle respectueuse de l’environnement, naturelle, écologique, ou verte ?”, Mr Zog's tranche sèchement : “Il est impossible et vain d’essayer de déterminer si un produit peut être caractérisé selon de vagues termes publicitaires sans aucun signification précise. Ces appellations ne veulent rien dire, leur utilisation par les publicitaires ne [faisant] l’objet d’aucune restriction.” Constat lapidaire.
Une étude du laboratoire Rescoll datant d’avril 2011 avait d’ailleurs dénoncé plusieurs marques qui se revendiquaient écologiques, démontant méthodiquement leurs affirmations. Un seul des produits testés avait trouvé grâce à ses yeux :GreenFix, un produit fabriqué en France (à Bidart, au Pays basque) composé à 100 % d'ingrédients naturels (cires, huiles, colophane…), donc totalement biodégradable, selon Damien Houques, le créateur de la marque, et ne dégageant aucun élément toxique lors de ce processus, contrairement aux produits pétrochimiques.
Une autre marque a fait son entrée sur le marché en 2009 : Bio-wax, faite de cire d’abeille et de résine de pin des Landes, qui, selon son concepteur, présente des qualités d’adhérence qui ne cèdent rien aux wax “classiques”, détail qui a son importance.
La crème solaire. Parce que le soleil n’est décidément pas son ami (au Costa Rica, il est même l’ennemi public n° 1 dès 8 h 30, et ce jusqu’à 16 h 30 au moins), le surfeur, exposé comme personne aux rayons directs de notre astre et à leur réverbération sur l’eau, se voit contraint de s’enduire de crème solaire. Or celle-ci produit un effet dévastateur sur les fonds marins. Les Australien considèrent d'ailleurs que la crème solaire est d'ailleurs un fléau pour le corail.
Mick Fanning
L'Australien Mick Fanning, champion du monde 2013, n'hésite pas à appliquer une couche épaisse de crème solaire. Il est d'ailleurs l'égérie de la crème de la marque Vertra.
Des alternatives existent. Pour n’en citer que deux : après la marque “100 % naturelle” EVOA“première gamme au monde de crèmes solaires écocompatibles et scientifiquement approuvées pour un usage en zone corallienne”, lancée par un surfeur en 2008, Algamaris, des Laboratoires de Biarritz, créée en 2010, a été développée dans le respect de la santé des personnes et des fonds marins. Si cette crème n’est certainement pas la seule à être efficace, elle est une des rares à pouvoir s’affirmer bio.
Le constat est sans appel : le surf aussi a un prix écologique. Et celui-ci est élevé si l'on y prend pas garde. On pourrait bien sûr, pour enfoncer le clou, montrer du doigt ceux qui usent et abusent du tow-in (6), mais il faut reconnaître que ce passionné des océans qu'est le surfeur (sans oublier la surfeuse !) est, d’une manière générale, respectueux de l’environnement dans lequel il évolue et qu'il n’hésite pas à s’engager pour une cause qui lui semble juste ou à distiller des conseils pour surfer (plus) écolo. Les solutions pour réduire l'impact environnemental des sports aquatiques existent. A chacun de faire un effort.

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